Contexte et décision
En octobre 2025, le conseil d’administration de l’Agirc-Arrco s’est réuni pour décider d’une éventuelle revalorisation des retraites complémentaires des salariés du privé. Or, aucun accord n’a pu être trouvé entre représentants patronaux et syndicaux, ce qui a conduit à une situation sans précédent : les retraites complémentaires Agirc-Arrco ne seront pas revalorisées au 1er novembre 2025.
De plus, la valeur d’achat du point Agirc-Arrco restera inchangée au 1er janvier 2026.
Pourquoi pas d’augmentation ?
- Le cadre de revalorisation est fixé par un accord national interprofessionnel (ANI) signé le 5 octobre 2023, qui lie l’évolution des retraites Agirc-Arrco à l’inflation (hors tabac), moins un « malus » de 0,4 point.
- Pour 2025, l’Insee avait estimé une inflation hors tabac à environ 1 %, ce qui, selon les règles de l’ANI, donnait une base de revalorisation autour de +0,6 %.
- Le conseil d’administration dispose d’une marge de manœuvre de ± 0,4 point pour ajuster cette base.
- Toutefois, en 2025, les partenaires n’ont pas réussi à s’entendre sur un taux de revalorisation, ce qui a conduit au gel.
Une situation paradoxale : des résultats financiers solides
Le gel intervient malgré une situation financière favorable du régime :
- Selon le communiqué de presse de mars 2025, l’Agirc-Arrco enregistre un résultat excédentaire de 4,6 milliards d’euros pour l’année 2024.
- Lors de la conférence de presse, la direction a souligné la « robustesse du régime par répartition » et sa capacité à garantir le paiement des retraites sans endettement.
Quels impacts pour les retraités ?
- Perte de pouvoir d’achat
Sans revalorisation, les pensions complémentaires Agirc-Arrco resteront au même niveau nominal en novembre 2025, alors que l’inflation érode leur pouvoir d’achat. Plusieurs syndicats dénoncent ce gel comme une décision « incompréhensible ». C’est un coup dur pour les particuliers mais également pour les professions qui dépendent du pouvoir d’achat de cette frange de la population comme les entreprises de services d’aide à domicile notamment. - Valeur d’achat du point figée
Le prix pour acquérir un point Agirc-Arrco reste au même niveau jusqu’au début 2026. Cela signifie que les cotisants actuels n’auront pas de “discount” ou ajustement à la hausse : les cotisations rapporteront au même rythme. - Tension sociale et politique
Le gel des pensions pourrait raviver les débats sur le pouvoir d’achat des retraités, la légitimité du paritarisme (gestion paritaire patronat/syndicats), et l’équilibre financier du système de retraites. Certains voient dans ce blocage un message politique, d’autres un manque de volonté de solidarité intergénérationnelle.
Analyse : pourquoi un désaccord malgré les marges ?
- Le système Agirc-Arrco est paritairement piloté : les syndicats et le patronat doivent trouver un compromis à chaque décision de revalorisation. Le fait qu’ils n’aient pas réussi à s’accorder cette fois montre les tensions entre leurs priorités respectives.
- Même si la base d’augmentation (0,6 %) n’était pas très élevée, la marge de ±0,4 point permettait d’aller jusqu’à +1 %, mais cela n’a pas suffi à rapprocher les positions.
- Le gel peut être interprété comme un acte de prudence financière, malgré les résultats positifs : les partenaires peuvent vouloir se prémunir contre des risques futurs (inflation, déséquilibre démographique, incertitudes économiques).
- Il y a probablement un arbitrage délicat entre soutenir les retraités aujourd’hui et préserver la soutenabilité à long terme du régime.
Les conséquences potentielles à moyen terme de ce gel
- Si cette absence d’augmentation se répète, elle pourrait dégrader la confiance des retraités envers le système complémentaire Agirc-Arrco.
- Les syndicats pourraient renforcer leur pression pour obtenir une revalorisation l’an prochain, voire engager des actions plus larges sur la négociation des retraites.
- Du côté des cotisants actifs, le gel couplé à un point d’achat figé peut limiter l’attractivité des cotisations si ceux-ci estiment qu’ils ne bénéficieront pas d’un retour à la hauteur de leurs efforts.
- Cette décision pourrait aussi alimenter des discussions politiques plus larges sur la réforme des retraites, la redistribution intergénérationnelle et les mécanismes de pilotage du régime.
Conclusion
L’absence d’augmentation Agirc-Arrco en novembre 2025 marque un tournant : après les hausses traditionnelles des années précédentes, le gel des retraites complémentaires montre que la solidarité entre générations et la modération financière restent des sujets sensibles. Malgré des réserves solides et un excédent, les partenaires sociaux ont préféré adopter la prudence, au prix d’un coup de frein au pouvoir d’achat des retraités.
Cette décision illustre bien les tensions structurelles de la gestion paritaire : comment concilier justice sociale, responsabilité financière et perspectives démographiques ? Elle pose également la question des réformes à venir, dans un contexte économique toujours incertain.